Les cinémas français contre les plateformes de streaming
À chaque fois que les lieux de culture doivent fermer leurs portes, les cinémas français perdent de leur public au profit des plateformes de streaming. Des conventions obligeant le financement de séries et films locaux, la création d’une plateforme dédiée au cinéma français, tout est bon pour relancer les films sur grand écran.
138. C’est le nombre de jours où les cinémas ont dû rester fermés en 2021. S’ajoute à cela, les jauges à respecter, les différents couvre-feux puis finalement l’instauration du pass sanitaire en juillet. Depuis l’essor du numérique, le cinéma perd de sa clientèle, mais plus que jamais depuis la pandémie du Covid-19.
En tête de liste des coupables : Netflix. Avec 49,7 % du paysage français des plateformes de vidéos à la demande par abonnement, le géant risque de dépasser les 10 millions d’abonnés français cette année. Suivi des plateformes Prime Video et Disney +, les clients de ces sites de streaming sont jeunes avec une moyenne d’âge de 33 ans. Tandis que le public des salles obscures stagne autour des 39 ans, d’après le CNC, le centre national du cinéma et de l’image animée.
Une nouvelle chronologie des médias
Et cela ne va pas en s’arrangeant. La réforme de la chronologie des médias bouscule encore les choses et permet d’avancer l’exploitation des films sur les plateformes de diffusion. Alors que l’on devait attendre 36 mois sur Netflix pour pouvoir regarder un film sorti au cinéma, dans son canapé, il ne faudra plus que 15 mois.
Pareil pour les autres plateformes du trio de tête, Prime Video et Disney + : plus que 17 au lieu de 36 mois. Finalement, parce que cette reforme est exclusive à la France, la chaîne Canal +, qui avait déjà la première place avec seulement 8 mois d’attente, n’en a plus que 6 dorénavant. Plus besoin de se précipiter et de changer tout son emploi du temps pour aller voir le dernier Star Wars au cinéma, s‘il sort moins d’un an plus tard directement à son domicile.
Pourtant, le cinéma a fait 96 millions d’entrées en 2021 avec notamment un pic en fin d’année. Un nombre en hausse de 47 % par rapport à 2020, mais en baisse de 55 % par rapport au niveau de 2019 (d’après les chiffres du CNC).
Bienvenue chez les Ch’tis aux USA
Afin de lutter contre le monopole de Netflix et de mettre en avant le cinéma français, la plateforme Cinessance est née. En plus de tout ça, elle permet aux expatriés de l’hexagone dans le monde entier de visionner des films exclusivement en français. Seulement disponible en Amérique du Nord, une expansion dans les autres pays du globe est prévue.
Seulement, les films français, malgré le catalogue étroit que les plateformes proposent, fonctionnent bien à l’international. Olivier Marchal, acteur, réalisateur et scénariste français se lance d’ailleurs sur ces plateformes : Bronx, film sorti en 2020 a directement été disponible sur la plateforme Netflix sans passer par la case cinéma. Pour lui, le cinéma physique n’a pas de futur.
Le cinéma « se dissémine à travers les plates-formes médiatiques »
C’est ce que souligne Luc Laporte-Rainville, vidéaste et critique de cinéma pour la revue québécoise Ciné-Bulles, après avoir lu le livre La fin du cinéma ? Un média en crise à l’ère du numérique d’André Gaudreault et Philippe Marion : « En clair, le cinéma, loin de s’annihiler, se mue au contact de nouvelles technologies; il se dissémine à travers les plates-formes médiatiques, s’assurant une visibilité encore plus grande que celle que lui procuraient les salles de cinéma et la télévision : ordinateurs, téléphones cellulaires, tablettes numériques, etc. »
« Certes, des gens perçoivent dans cette accessibilité universelle une dégradation irréversible du cinéma. Pour eux, un film ne peut être apprécié que dans une salle obscure. Le regarder dans un autre contexte détruit l’expérience même de visionnement. Mais est-ce suffisant pour affirmer que cette expérience assassine pour autant le septième art ? ». Non, les cinémas s’envolent, seul le cinéma reste.
200 millions introduits pour la création française
Pourtant, les plateformes ne sont pas anti-cinéma. Pour preuve, Netflix voulait créer un événement où plusieurs de ses films originaux auraient été projetés. Divisant les propriétaires des lieux et les syndicats, le projet n’aboutira pas.
Le gouvernement français essaye aussi tant bien que mal de garantir la perpétuité du septième art. Obligeant plusieurs plateformes de streaming à aider le cinéma français, un financement de « l’exception culturelle française » a été mis en place : ce sont plus de 200 millions d’euros qui seront mis à la disposition des professionnels du secteur, pour la création française.