Marina Ovsiannikova, le barrage contre la propagande russe

Billet

Alors que le Kremlin cherche à masquer les chiffres, taire les morts et montrer au reste du monde que tous les Russes sont unis derrière Vladimir Poutine, la journaliste Marina Ovsiannikova débarque sur le plateau télé et dénonce l’offensive en Ukraine. 

« Non à la guerre, ne croyez pas à la propagande ». Le lundi 14 mars, Marina brandit une pancarte pendant le journal de la principale chaîne de soutien au gouvernement russe. La journaliste est par la suite, arrêtée, poursuivie et libérée pour cet acte, mais risque toujours 15 ans de prison. À France info, elle dira qu’elle a « eu l’idée de faire une action marquante, pour dire au monde entier qu’il y avait des Russes qui étaient contre la guerre. ».  

Marina Ovsiannikova  n’a, pour le moment, été seulement condamné à payer une amende de 30 000 roubles, soit environ 250 euros. © CAPTURE D’ÉCRAN / PERVI KANAL

Cette initiative a fait d’elle une figure de proue de l’antiguerre. Mais montre aussi comment la Russie essaye de contrôler tous les faits et gestes des journalistes. Marina Ovsiannikova a d’ailleurs quitté la chaîne Pervy Kanal, mais ne compte pas fuir : elle a décliné la proposition d’asile du président français Emmanuel Macron. 

Pour le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, le conflit en Ukraine permet de déceler qui sont les « traîtres », « Certains démissionnent, certains quittent le pays. C’est une purification ».

La confiance ne règne plus

L’intervention de Marina Ovsiannikova concède le libre-arbitre de chaque journaliste, mais aussi le manque d’objectivité et de neutralité des médias. Dénonçant la « propagande » des médias controlés par le pouvoir russe, elle aspire à ce « que les gens changent d’avis » sur cette guerre, sur ABC. 

D’après le baromètre de l’institut d’études Kantar, en France, 62 % des personnes interrogées estiment que les journalistes ne sont pas indépendants du pouvoir politique. Marina, pendant ce temps, ose dénoncer une propagande dans un pays qui a récemment créé une loi réprimant toute « fausse information » sur l’armée russe.  

Pour Julia Cagé, spécialiste des médias, économiste et professeure à Sciences Po Paris, interrogée par Le petit journal, la méfiance des citoyens envers les médias s’expliquerait par leur fonctionnement économique et juridique. 

Il est « urgent de repenser les règles »

« Aujourd’hui, les médias en France sont possédés par un tout petit nombre d’industriels, ce qui pose énormément de questions en termes de conflit d’intérêt, de censure et d’auto-censure des journalistes (la France ne fait d’ailleurs malheureusement pas exception). Il me semble donc urgent de repenser les règles qui encadrent aujourd’hui la propriété des médias en France. »

À BFMTV, Marina Ovsiannikova explique : « Durant les dernières années, ce qui se passait dans le pays, c’était déjà au-delà du bien et du mal. On a commencé à fermer des médias indépendants, il y a eu l’annexion de la Crimée en 2014, puis l’empoisonnement de Navalny. Cette guerre, c’est l’apothéose de tout. Un point de non-retour. J’ai compris que l’on ne pourrait plus rien dire ».

Selon le baromètre annuel du cabinet Edelman, moins de 40 % des Russes ont une image positive des médias d’information. L’irruption de Marina et ses conséquences ne vont pas améliorer ce pourcentage, mais montre qu’une issue, certes lointaine, est possible : l’honnêteté des médias quant à leur structure économique et leurs liens avec le gouvernement.

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